Rendu public le 8 février dernier, le rapport annuel de la Cour des comptes pointe le triple fiasco, politique, économique et environnemental de l’écotaxe poids lourds, un « projet ambitieux » qui s’est soldé par un « échec stratégique » et un « abandon coûteux », près de 969 millions d’euros.
De quoi donner de nouvelles ailes aux partisans de cette écotaxe dont on parle depuis … 2008 !
Enfonçant le clou d’un rapport d’une subjectivité absolue et à la présentation partielle, la Cour des comptes rappelle que la taxe sur les poids lourds procédait d’une « ambition forte de politique des transports ». Son abandon « constitue un échec de politique publique dont les conséquences sont probablement très durables ». Et de rappeler « Coûteux pour les finances publiques et dommageable pour la cohérence de la politique des transports et son financement, l’abandon de l’écotaxe constitue un gâchis. »
Fermez le ban !
L’OTRE a dénoncé aussitôt cette présentation des juges des finances publiques. Elle ne peut qu’y voir un jugement partiel, voire partial, et un argument de plus donné aux politiques partisans d’un rétablissement de l’écotaxe, notamment au niveau régional, en oubliant de rappeler que pour pallier l’abandon de l’écotaxe, en accord avec la profession, le gouvernement a relevé la TICPE appliquée au gazole de deux centimes par litre, avec une majoration spécifique de quatre centimes par litre pour le carburant du transport routier de marchandises. Cette mesure a fait plus que compenser la perte de recettes liée à l’abandon de l’écotaxe poids lourds, puisqu’elle devrait rapporter, de 2015 à 2024, près de 1,5 milliard d’euros de plus que l’aurait fait l’écotaxe !
Mais les rapporteurs de la Cour soulignent que les collectivités territoriales n’en profitent pas. Et surtout que ce transfert de fiscalité se fait « aux dépens des automobilistes et au bénéfice des poids lourds étrangers qui se ravitaillent peu en France ». Il n’en fallait pas plus pour que, dès le lendemain de la parution du rapport de la Cour des comptes, pointant la profession en la stigmatisant, certains, élus toutes tendances confondues, déclaraient sur les grands médias radiophoniques ou télévisuels leur souhait de voir l’écotaxe régionale mise en place.
Ces thuriféraires à l’encensoir écotaxé affirment que l’abandon de l’écotaxe permet aux camions étrangers qui empruntent le réseau français de ne pas contribuer au financement des infrastructures. C’est exact. Mais ils oublient les raisons principales qui ont amené à sa suppression : une taxe inéquitable, complexe, impossible à répercuter dans les prix de transport et dont une part importante servait à rémunérer l’opérateur privé en charge de sa gestion.
En 2014, le gouvernement avait opté pour un relèvement de la TICPE pour compenser la suppression de l’écotaxe. L’OTRE n’avait pas apporté son soutien à cette mesure estimant avec justesse que « l’augmentation de quatre centimes de TIC sur le gazole (…) pèserait à 90 % sur les entreprises françaises, la circulation des poids lourds étrangers ne rapportant que 26 millions d’euros (…). » De surcroît, le relèvement de la TICPE, ne constituant en rien une fiscalité dédiée au financement des infrastructures, autorise tous les fantasmes possibles tendant à voir se restaurer des écotaxes régionales. Encore une fois, l’OTRE ne peut que rappeler la cohérence de sa position depuis l’origine du dossier en proposant l’instauration d’une vignette pour tous, beaucoup moins coûteuse pour les entreprises que le surcoût de la TICPE qu’elles supportent, et pour des recettes d’un montant identique.
Dommage que le gouvernement, les politiques, les juges soient sourds à cette innovation que l’OTRE fait depuis bientôt quatre ans. Rappelons-le. Pour l’OTRE, l’instauration d’une vignette serait équitable puisqu’elle s’appliquerait aussi aux poids lourds étrangers circulant en France. En toute logique, seule la vignette assurerait le financement équitable et pérenne des infrastructures de transport.
La sagesse et la simplicité d’application du dispositif devraient conduire nos politiques à ôter leurs œillères en sortant (répétons-le !) de leurs positions partiales et surtout partielles.