Loi d’orientation des mobilités (LOM) : entre reculades et ajournements…

Dans un contexte particulièrement agité (c’est un doux euphémisme), Élisabeth BORNE, la ministre des transports a présenté le projet de loi d’orientation des mobilités (LOM) au Conseil des ministres du 26 novembre 2018. Comparable à l’Arlésienne, le projet de LOM était attendu depuis le printemps ! Elle est enfin là mais si le texte du projet porte une ambition écologique, le gouvernement est cependant allé beaucoup moins loin que prévu, dans l’ambiance très électrique actuelle…

Si bien que ce projet de loi est peut-être plus important par ce qu’il ne contient pas que par ce qu’il vise…

D’abord ce qu’il contient : quatre objectifs principaux.

 

1. Sortir de la dépendance à l’automobile

Il s’agit notamment de mettre fin aux zones blanches de la mobilité, c’est-à-dire aux zones non couvertes par une autorité organisatrice de la mobilité (AOM). Pour cela, la loi va accorder de nouvelles compétences aux collectivités territoriales pour organiser des nouveaux services de mobilité (autopartage, covoiturage, etc.).

 

2. Accélérer le déploiement de nouvelles solutions de mobilité

Le développement des nouvelles mobilités passe par l’ouverture des données et l’expérimentation. Dès 2020, des navettes autonomes seront autorisées à circuler.

 

3. Assurer la transition écologique

L’objectif est d’interdire, en 2040, la vente de voitures émettant des gaz à effet de serre et d’atteindre, en 2050, la neutralité carbone. Un forfait mobilité durable sera créé. Les employeurs pourront verser jusqu’à 400 euros par an à leurs salariés qui viennent travailler à vélo ou qui pratiquent le covoiturage. Le plan vélo sera mis en œuvre. Il comprend notamment le développement d’aménagements cyclables de qualité, la généralisation du marquage des vélos pour lutter contre le vol, l’introduction d’une indemnité kilométrique vélo.

La transition écologique passe également par la multiplication des zones à faibles émissions (ZFE). L’accès à ces zones est réservé aux véhicules les moins polluants. Une ZFE repose sur le système de vignettes Crit’Air. Des mesures sont également prévues en faveur du véhicule électrique : réduction du coût de raccordement des infrastructures de recharge, équipement obligatoire de prise dans les parkings de plus de 10 places, etc.

 

4. Programmer les investissements dans les infrastructures de transport

13,4 milliards d’euros sont prévus pour les investissements dans les infrastructures de transport sur la durée du quinquennat. Il s’agit notamment de remettre en état les réseaux existants, ferrés et routiers. Il s’agit de contribuer au désenclavement de certains territoires et aussi de répondre à la saturation des réseaux autour des métropoles. Le projet de loi contient aussi une réforme du permis de conduire.

 

Mais dans le contexte d’opposition unanime exprimée depuis plusieurs mois par les organisations professionnelles de branche de ne pas accepter n’importe quoi, le texte est tout aussi instructif par ce qu’il ne contient pas.

En effet, le projet de loi est marqué par une reculade et un ajournement.

 

La reculade

Le gouvernement a ainsi décidé d’exclure les péages urbains du projet de loi pour ne pas « accentuer les fractures entre territoires » a précisé la ministre. La mesure était censée autoriser les grandes villes qui le souhaitaient d’instaurer un péage urbain, comme cela se pratique dans d’autres villes européennes…

 

L’ajournement : la vignette poids lourds

La vignette poids lourds n’est pas dans le projet de loi… Rien n’est encore totalement acté, mais le gouvernement semble au moins gagner du temps. Là encore, il faut y voir la marque d’une opposition exprimée par les organisations professionnelles, OTRE en tête… Ajournement disions-nous. Pas reculade ! Et l’OTRE ne baissera pas la garde… En effet, comme l’assure la ministre, « Aucune décision n’est prise (…) C’est un sujet sensible sur lequel il est utile de prendre le temps (…) que les poids lourds étrangers contribuent à l’entretien des routes qu’ils empruntent, cela reste une bonne piste de travail ».

 

On rappellera à toutes fins que la mesure « Vignette » doit rapporter à l’État environ 500 millions d’euros afin de financer les travaux sur les infrastructures. Et en ajournant la prise de décision, le gouvernement s’évite de prendre le risque d’un blocage des routes par les entreprises du transport routier.

Rien n’est donc acquis. Le gouvernement n’a pas renoncé à faire contribuer le transport routier. Le tout est de savoir comment ? La ministre est prudente… Tout comme l’OTRE. Mais chacun le sait « Il est de bonne prudence de bien considérer la fin de toutes choses. » dit un proverbe oriental.

À l’heure des choix, il faudra s’en souvenir !

Philippe BONNEAU

 

 

 

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