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Le TRV oublié… Aussi ?

07 avril 2021

Le 29 mars dernier, l’OTRE a dénoncé l’insuffisance des mesures mises en place par le Gouvernement pour venir en aide au secteur du transport routier de voyageurs. Insuffisance ? Euphémisme, s’il en est ! Bien sûr les dispositions du Décret n° 2021-310 du 24 mars 2021 créent une aide complémentaire au fonds de solidarité. Il s’agit d’une aide bimestrielle au cours du premier semestre 2021 destinée à compenser les coûts fixes des entreprises qui ne seraient pas actuellement couverts, en raison des restrictions sanitaires.

Le Conseil de Métier Transport Routier de Voyageurs de l’OTRE a vite pris la mesure de ce dispositif réglementaire complémentaire au Fonds de Solidarité : de fait, ce dispositif ne s’appliquera qu’à très peu d’entreprises du secteur du tourisme par autocars du fait des seuils beaucoup trop élevés ou inadaptés permettant l’éligibilité des entreprises concernées.

S’agissant notamment de la condition de perte du chiffre d’affaires, le texte prévoit que le chiffre d’affaires mensuel de référence de l’entreprise sur la période éligible (chiffre d’affaires des mois de janvier et février 2019) est supérieur à 1 million d’euros pour au moins un de ces deux mois ou bien le chiffre d’affaires annuel de 2019 est supérieur à douze millions d’euros

Une exception est prévue pour les entreprises qui relèvent du secteur de la restauration traditionnelle, de l’hôtellerie et hébergements similaires, hébergements touristiques et autre hébergement de courte durée au titre principal de leur activité qui pour être éligible ont la possibilité de s’affranchir de l’exigence de ce seuil particulièrement élevé.

En dehors de ce cas, un million d’euros de chiffre d’affaires mensuel est un seuil discriminant qui exclut quasiment toutes les TPE PME et ETI du secteur du transport routier de voyageurs. C’est inacceptable !

Rappelons en effet qu’à côté des grands groupes du secteur comme Keolis et Transdev coexiste une multitude de petites et moyennes entreprises. En 2018, on comptait 7570 entreprises de transport routier de voyageurs pour 101 916 salariés soit + 2.2 % de l’effectif global par rapport à 2017 (Cf. Rapport OPTL 2019).

Dans un contexte où l’activité n’est pas au rendez-vous en cette fin de premier trimestre 2021 et où aucune perspective sérieuse n’est pour l’heure envisageable, il est urgent d’aider ces entreprises.

C’est la requête de l’OTRE au gouvernement.

Concrètement l’OTRE a demandé un nouveau report des échéances d’emprunt de six mois supplémentaires et le maintien du dispositif renforcé d’activité partielle jusqu’au terme du premier semestre 2021 (fin juin 2021). De plus, et concomitamment, l’État doit mettre en place une aide spécifique par véhicule calculée en référence aux échéances de prêt. Contrairement à la prise en compte des véhicules dans le calcul des coûts fixes, cette proposition se heurte à aucune difficulté d’ordre juridique. Il ne tient que de la seule volonté du gouvernement d’y répondre favorablement.

C’est une question de survie non seulement pour ces entreprises mais aussi pour les territoires. A l’heure où des élections régionales et départementales se préparent (en juin ou plus tard…) le développement des activités de transport par autocars est un des moyens dont les collectivités locales disposent pour mettre en œuvre leurs politiques d’aménagement du territoire. Les entreprises d’autocars, entreprises privées, qui financent elles-mêmes leur propre outil de production, seront alors en mesure de remplir pleinement une mission de service public au meilleur rapport qualité/prix pour la collectivité des usagers qui demeurent des citoyens…

Oublier le transport routier de voyageurs dans le dispositif d’aides d’Etat, comme ailleurs est aussi oublié le transport routier de marchandises, au nom d’une philosophie quasi dogmatique du politiquement correct environnemental, c’est sacrifier l’avenir du service public des territoires. Jamais un train, jamais une péniche, n’auront la capacité de répondre aux différents problèmes d’organisation auxquels les élus locaux sont confrontés pour irriguer et rejoindre là où ils sont les « vrais gens ». Qu’on le veuille ou non, aujourd’hui comme demain, la réponse à ces questions passent inévitablement par le développement des moyens de transports collectifs par la route. Et ce qui est vrai pour le transport de personnes, l’est aussi pour le transport de marchandises…

Nos édiles politiques nationales et/ou locales, tout comme la technocratie qui les sert, feraient bien, sur ce sujet, de se souvenir de l’avertissement du (grand) philosophe normand Alexis de Tocqueville qui écrivait il y a plus de 100 ans :

« En politique, ce qu’il y a souvent de plus difficile à apprécier et à comprendre, c’est ce qui se passe sous nos yeux. »

Mais l’avertissement vaut aussi pour les transporteurs quels qu’ils soient : ils ont, eux, une chance historique à saisir… pour peu qu’ils sachent « jouer collectif » !

Dans tous les cas, l’avenir le dira…

Philippe BONNEAU