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“Ces mesures vont accroître le différentiel de compétitivité avec les autres pays européens”

05 mai 2021

Jean-Marc Rivéra, délégué général de l’OTRE aborde la Loi Climat et Résilience, le paquet mobilité ou encore le congé de fin d’activité dans une interview de l’Officiel des Transporteurs.

Alors que l’Assemblée nationale a validé le 11 avril les mesures liées au transport routier dans le cadre du projet de loi climat et résilience, Jean-Marc Rivera, délégué général de l’OTRE, s’interroge sur le cadre juridique et la faisabilité de l’instauration d’une écotaxe au niveau régional. Il redoute les charges fiscales supplémentaires qui pèseront sur les entreprises alors qu’une transition réelle vers les énergies alternatives semble encore difficilement réalisable pour 2030. Côté européen, il mise beaucoup sur la mise en place du nouveau chronotachygraphe fin 2024 pour un meilleur contrôle du cabotage.

Sur la loi Climat et Résilience, la position de l’OTRE est claire : s’opposer par tous les moyens à toutes les mesures qui visent à taxer encore plus les entreprises du transport routier. Un combat long s’annonce et il ne se limitera pas à l’adoption de la loi.

L’Officiel des transporteurs : Le sujet de l’écotaxe, apparu en 2013 et issu du Grenelle de l’environnement en 2007, est revenu avec le projet de loi climat, cette fois au niveau des Régions. Pensez-vous que beaucoup d’entre elles vont la mettre en place ?

Jean-Marc Rivera : Certaines ont annoncé qu’elles renonçaient à cette idée mais d’autres semblent intéressées, des élus avaient déjà exprimé certaines volontés en ce sens au début de l’année. L’un de leurs arguments repose sur le volume de camions qui seraient en transit sur un certain nombre d’axes de circulation, alors qu’ils n’auraient rien à y faire. On peut comprendre l’interrogation, mais sont-ils en mesure de quantifier ce qu’ils appellent le transit ? Par exemple, le président du Conseil de l’Essonne soutient qu’il y a 10000 poids lourds qui passent sur la nationale 20. Un pourcentage doit d’abord être établi : combien le font dans le cadre de leurs activités régionales, d’une desserte locale ou d’une desserte de Paris ? Il faut déterminer des éléments de contexte pour savoir si beaucoup de poids lourds passent sur cet axe uniquement pour contourner l’Ile-de-France.Dans les faits, une telle mesure vous semble-t-elle applicable ?

J.-M. R. : La question de la faisabilité se pose. On entend les mêmes arguments : tout d’abord, on veut taxer le transit. Comme on sait qu’il est impossible d’épargner les véhicules français, la taxe s’appliquerait à tous les véhicules. L’idée de compenser les entreprises françaises est apparue mais la Cour de Justice européenne a déjà tranché en estimant ce système discriminatoire. On s’interroge aussi sur la possibilité de taxer certains tronçons de routes et pas d’autres. Sur ce point, la Cour suprême espagnole a jugé illégale cette pratique par rapport à une écotaxe mise en place sur le Pays basque espagnol. Il y a de vraies interrogations sur le cadre juridique d’un tel dispositif. Il faudrait par ailleurs une cohérence entre les Régions, notamment sur la forme : est-ce que cette taxation se ferait sous la forme d’une vignette, d’un péage, d’une taxe au kilomètre ? On est partis sur un sujet très sensible, qui représente un vrai danger pour les entreprises. Ce sera un travail au long cours et notre rôle sera de démontrer la très grande difficulté à mettre en place ce type de dispositif et surtout son inefficacité. Car il est clairement démontré que sur les routes où des taxations spécifiques sur les poids lourds ont été instaurées, il n’y a pas eu d’effet de diminution du nombre de véhicules. Le meilleur exemple est celui de la Belgique. Après deux ans de mise en œuvre d’une écotaxe, le pays a constaté que le nombre de poids lourds circulant sur les routes concernées a augmenté de 6 %. La route est aujourd’hui et restera demain le mode incontournable de transport des marchandises.Sur la suppression de la ristourne sur la TICPE d’ici à 2030, quelle est votre position ?

J.-M. R. : On est exactement dans la continuité de ce qu’on a vécu en 2015 puis en 2020, avec les deux premiers rabots de TICPE. Nous affirmons qu’il est totalement surréaliste de mettre en place une mesure qui va une nouvelle fois impacter principalement les entreprises françaises et accroître de plus en plus considérablement le différentiel de compétitivité avec des entreprises qui achèteraient leur carburant en dehors du territoire français… Lire la suite (réservé aux abonnés de l’Officiel des Transporteurs).