TICPE et Taxe à l’essieu : vers une réforme fiscale pour le transport routier ?

 

Après la publication du rapport DURON le 1er février dernier, c’est au tour de la Cour des comptes de faire des préconisations fiscales spécifiques au transport routier.

En effet, les magistrats financiers ont préconisé, sans ambages (mais c’est au fond leur rôle !), qu’en raison du coût disproportionné de la procédure de son recouvrement, de mettre fin au système coûteux des remboursements partiels de TICPE. Pour la remplacer, il est proposé de lui substituer un autre mécanisme comme le crédit d’impôt ou la carte de paiement utilisable exclusivement pour l’achat de grandes quantités de carburant, ne pouvant être introduites que dans des réservoirs de forte contenance…

Plus tôt dans ce mois de février décidément propice à la réflexion fiscale, les membres du Conseil d’Orientation des Infrastructures (commission DURON) avaient qualifié eux le remboursement partiel de TICPE de « niche fiscale » regrettant que près de 900 millions d’euros de recettes potentielles puissent échapper au financement des infrastructures…

Abus de langage au pire ou, à tout le moins, erreur de définition. Le remboursement partiel de la TICPE dont bénéficient les transporteurs routiers, sous certaines conditions, permet de ramener la TICPE à 39,19 €/hl pour le transport routier de voyageurs et 43,19 €/hl pour le transport routier de marchandises, seuil minimal autorisé pour la France par la directive européenne 2003/96/CE restructurant le cadre communautaire de taxation des produits énergétiques et de l’électricité.

S’agissant d’une profession pour laquelle le gazole représente près de 30 % des charges fixes d’exploitation, ce régime fiscal a pour objet d’éviter les distorsions de concurrence qui résultent notamment des écarts de taxation des carburants au sein de l’Union.

Lors de sa rencontre avec madame la ministre des transports, l’OTRE a eu l’occasion de rappeler vendredi dernier 9 février, que l’instauration d’un carburant professionnel ne pouvait en tout état de cause être confondue avec une niche fiscale synonyme d’avantage particulier accordé à telle ou telle catégorie de contribuables. Loin de là. C’est un instrument de régulation européen permettant une concurrence libre et non faussée conforme à la législation européenne en ce domaine. Ce n’est et ce ne sera jamais une faveur.

S’agissant de cette même TICPE, la Cour des comptes raisonne sur une rentabilité de la recette fiscale. Elle fait un inventaire de la mobilisation des services douaniers nécessaires au recouvrement de la TICPE. Les services douaniers procède chaque année à la vérification d’environ 89 000 demandes individuelles de remboursement émanant de transporteurs routiers et de taxis, incluant le contrôle de la situation du demandeur et des justificatifs des dépenses de carburant dont il sollicite le remboursement partiel. Selon les magistrats, les remboursements de TICPE ont pour effet de doubler le coût de gestion de la TICPE par la Douane. Ils mobilisent des emplois publics pour la réalisation de tâches sans réelle valeur ajoutée.

En raison de ce coût disproportionné, la Cour recommande de mettre fin au système coûteux des remboursements de TICPE. Elle préconise de lui substituer un autre mécanisme. La proposition de l’OTRE d’un carburant professionnel à la pompe prend ici tout son sens. Cette solution qui répond aux attentes de la Cour des comptes a un autre avantage : elle résout les avances de trésoreries que les entreprises ont de plus en plus de difficultés à supporter.

Cohérente et dans le cadre d’une réflexion plus globale sur la fiscalité applicable aux transports routiers, la Cour demande également de réexaminer la taxe spéciale sur certains véhicules routiers (TSVR), communément appelée « taxe à l’essieu ». Cet impôt dans le cadre d’une réflexion plus globale sur la fiscalité applicable aux transports routiers, dont elle a déjà noté dans de précédents travaux consacrés à la comparaison des prélèvements fiscaux et sociaux entre la France et l’Allemagne le manque de cohérence et la moins grande efficacité écologique

La « taxe à l’essieu » est qualifiée d’impôt inadapté, à la gestion très coûteuse. La Cour demande sa disparition. Souhait opportun si l’on sait que dans le cadre des projets du gouvernement sur le financement des infrastructures, la taxe à l’essieu ne saurait devenir l’un des éléments de l’empilement des taxes que l’OTRE stigmatisait récemment. Sa disparition ne serait que justice fiscale dans l’hypothèse de la mise en place annoncée d’une nouvelle mesure au même objet.

Sommes-nous à la veille d’une réforme fiscale d’envergure applicable au transport routier ? Vraisemblablement.

Mais entre mauvaise analyse et soucis de rentabilité des finances publiques, il faut former le vœu que l’entreprise de transport ne soit pas le dindon de la farce… fiscale !

 

Philippe BONNEAU

 

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