Paquet routier : harmonisons… Vers le haut !

Enfin… !

La Commission européenne a présenté un paquet législatif sur l’équité social en Europe le mardi 13 mars 2018. Dans ce cadre a été annoncée la création en 2019 d’une autorité européenne du travail  destinée notamment à lutter contre certains abus favorisant le dumping social. Cette autorité européenne du travail comprendra une section dédiée au transport routier.

L’OTRE ne peut que soutenir cette proposition de la Commission européenne.

Comment imaginer, en effet, que l’Union européenne soit dotée (depuis longtemps !) d’une autorité bancaire qui veille à ce que les normes bancaires soient respectées dans l’Union mais qu’il n’y ait pas d’autorité commune du travail assurant la justice sociale sur le marché intérieur européen ?

Dotée d’un budget annuel d’environ 50 millions d’euros, cette autorité devrait employer environ 140 personnes. Elle « n’est pas destinée à se substituer aux autorités nationales mais elle renforcera la coopération et la coordination entre ces dernières », a promis le 13 mars dernier, au Parlement européen à Strasbourg, le président de la Commission, Jean-Claude JUNCKER.

Cette autorité et sa section dédiée au transport routier aura pour but de lutter contre les abus, elle aidera à améliorer les échanges d’informations entre les autorités nationales, apportant également son soutien pendant des inspections communes dans des entreprises soupçonnées d’abus en matière de détachement des travailleurs. L’objectif implicite est de pousser davantage certains pays de l’Est et d’Europe Centrale, qui rechignent à le faire, à coopérer sur certains types de dossiers…

Avec cette structure, l’exécutif européen compte s’assurer que la mobilité sera encadrée par des règles justes et respectées. De nombreux pays de l’Ouest de l’Europe, notamment la France, ont poussé très fort à la création de cet organe.

Reste l’essentiel… Les 28 États membres doivent encore approuver cette proposition et se pencher sur la question de sa localisation.

En tout état de cause, quel que soit le lieu, il est heureux que cette proposition soit faite au moment où sur le Paquet mobilité les grandes manœuvres reprennent.

Depuis début mars jusqu’à mi-avril la période sera capitale. D’un côté les pays partisans d’une réforme plus protectrice des droits des travailleurs et des marchés nationaux : ce sont les États de l’Alliance du routier dont la France est l’un des principaux animateurs. De l’autre côté, et en opposition frontale à l’Alliance du routier, les États pour la défense d’une plus grande libéralisation des marchés du transport, réunissant des pays d’Europe centrale, de l’Est et de certains États périphériques. C’est le groupe Visegrad composé de la Pologne, de la République tchèque, de la Slovaquie et la Hongrie qui le préside. Le 6 mars dernier, les hongrois ont pris l’initiative d’organiser à Budapest un sommet de haut niveau sur les transports avec treize États et des acteurs du secteur.

Outre ceux cités plus haut, y étaient présents les représentants de la Bulgarie, de la Roumanie, de la Slovénie, de la Lituanie, de la Lettonie, de l’Estonie, de la Croatie, de la Finlande, mais aussi… du Royaume-Uni, de l’Espagne et du Portugal.

Au nom du groupe Visegrad, les hongrois ont précisé le but de ce sommet de Budapest « L’objectif est de favoriser les négociations sur la lex specialis [texte appliquant le détachement aux conducteurs, ndlr] dans le paquet mobilité, afin d’obtenir un compromis satisfaisant pour toutes les parties »,

Du côté de l’Alliance le but est de contrer la tendance de la présidence bulgare, proche de Visegrad, à vouloir créer par exemple des exceptions à l’interdiction du repos normal du chauffeur dans la cabine. Il faut bien avouer que l’Alliance est aidée par la jurisprudence récente de la CJUE du 20 décembre 2017 que nous avions largement commenté dans un précédent édito.
(https://www.otre.org/repos-hebdomadaire-normal-en-cabine-lotre-felicitent-les-juges-europeens-de-lue)

De son côté, pendant qu’à Budapest on aiguisait les couteaux nécessaires au partage du marché du routier en Europe, le même jour, 6 mars, dans la soirée, à Paris, la commission des affaires européennes de l’Assemblée nationale se prononçait massivement pour une « harmonisation par le haut » dans le transport routier sur le marché européen.

Par 103 voix contre 6, les députés ont adopté en ce sens une proposition de résolution européenne sur le paquet mobilité, présentée par le député LRM de la Sarthe Damien PICHEREAU.

Entre préservation et libéralisation du marché européen du transport, nul doute qu’au regard des batailles juridiques qui se préparent, l’autorité européenne du travail  voulu par l’exécutif de l’UE, aura fort à faire pour peu que des règles sociales protectrices soient toujours en vigueur…

Oui, plus que jamais, « Harmonisation… vers le haut » !

 Philippe BONNEAU

 

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