Avant la pause estivale, l’exécutif de l’Union Européenne, la Commission, a présenté une série de propositions législatives pour simplifier et réviser la réglementation spécifique au transport routier de marchandises. Cet ensemble législatif et réglementaire communément appelé « paquet mobilité » comprend des mesures fortes : une nouvelle réglementation du cabotage, l’application du détachement au cabotage intérieur ou encore la promotion du système de télépéage européen (SET). Toutes ces propositions seront débattues au sein des instances représentatives européennes au Parlement et au Conseil avant la fin de la législature 2014-2019. Les débats politiques sur ces sujets sont tendus en raison de la fracture sociale entre États signataires de « l’Alliance du routier » et pays d’Europe Centrale et de l’Est.

Le gouvernement polonais a marqué il y a quelques jours, avec virulence, son opposition aux positions défendues par l’Alliance. En effet, le président MACRON a, le 25 août dernier, très vivement critiqué le refus polonais de durcir la directive sur le travail détaché. Il s’agit d’ « une nouvelle erreur de Varsovie » qui, selon le président français, se met « en marge » de l’Europe sur « de nombreux sujets« .

Beata SZYDLO, la Première ministre polonaise a réagi violemment à cette intervention. Après avoir mis en cause les compétences, voire la maturité du chef de l’État français, elle a conclu sa réponse en indiquant « Cela m’inquiète beaucoup que le président français sape en ce moment les piliers de l’Union européenne et tente d’y introduire le protectionnisme, en heurtant le marché libre et la circulation des personnes et des services« . Fermer le ban ! Inhabituel langage diplomatique qui démontre la sensibilité sinon la susceptibilité du sujet pour les tenants du dumping social et de la concurrence sauvage…

Entre le chef de l’État français et la cheffe du gouvernement polonais, le sujet de la dispute ne concernait que l’application effective de la directive détachement…

Sur la globalité du projet « paquet mobilité » les débats seront virulents. C’est maintenant une évidence. On le sait, le projet cherche à répondre outre l’application de la directive détachement au secteur des transports, aux attentes des deux blocs en traitant de :

– l’encadrement de l’utilisation des véhicules utilitaires légers ;
– l’interdiction explicite de la prise des repos hebdomadaires normaux en cabine ;
– la lutte contre les sociétés boîtes aux lettres ;
– la dématérialisation des documents et des procédures ;
– l’instauration d’un principe pollueur-payeur pour la tarification des infrastructures.

La France par la voix de la Ministre Élisabeth BORNE a déjà fait part de son souhait de faire évoluer le projet et ses mesures dans un sens plus favorable aux travailleurs et à la lutte contre la fraude et son contournement.

La France, sur ce sujet précis, cherche de nouveaux alliés. Ainsi, après plusieurs mois sans contacts directs et un conflit ouvert sur le dossier du transport routier, la ministre chargée des transports, Elisabeth BORNE, a rencontré le 4 septembre à Madrid, le ministre espagnol de l’équipement, Íñigo de la SERNA. L’Espagne était restée en dehors de l’ »Alliance du Routier », constituée le 31 janvier 2017 à l’initiative de la France, conjointement avec huit autres pays européens pour combattre la concurrence déloyale entre les pays européens dans le TRM.

Madrid avait même critiqué le projet de la Commission et reçu le soutien de plusieurs organisations professionnelles du TRM espagnol, notamment d’Astic qui regroupe les entreprises espagnoles travaillant à l’international. Le conflit s’était envenimé avec la France au point que l’Espagne s’était opposée à l’approbation de la nouvelle directive et demandé un traitement spécifique du TRM, indépendamment de ce texte, dans le cadre du nouveau paquet routier.

Les deux ministres ont abordé le dossier de la révision de la directive sur les travailleurs détachés et en particulier son impact sur le secteur du transport routier de marchandises (TRM). Les deux pays ont « coïncidé pleinement sur la nécessité de lutter contre la fraude dans ce secteur et d’avancer sur les questions liées à la protection sociale dans le secteur du transport« .

Les grandes manœuvres ont donc commencé. Les Pays de l’Alliance du routier montrent leur détermination de ne pas laisser la part belle à l’ultra libéralisme dont certains États membres se prévalent.

L’OTRE a examiné point par point les propositions de la Commission européenne du « paquet mobilité ». Lors de son audition sur ce sujet devant la Commission des Affaires européennes de l’Assemblée nationale le 14 septembre prochain, les représentants de l’OTRE réaffirmeront avec force l’absolue nécessité de ne pas s’inscrire dans une conception et une vision destructrice pour notre modèle économique et social. Mais, dans ce but, ils seront aussi porteurs de propositions concrètes pour renforcer le projet européen qui est loin de rassurer totalement les professionnels de la route.

À suivre…

Philippe BONNEAU
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