Loi PACTE : effet d’annonce ou vraie réforme ?
Rentrée des députés. Premier gros dossier de l’année dans le cartable des élus de la nation : l’examen du projet de loi Pacte (Plan d’action pour la croissance et la transformation des entreprises). Pour motiver les troupes, une annonce tonitruante de Bruno LE MAIRE : « La loi Pacte va donner aux entreprises les moyens de croître et à notre économie, de prospérer » assure le ministre de l’économie…
Rien que ça ! Mais comment ?
C’est le mot « simplification » qui inspire toutes les mesures envisagées. Le texte comporte 73 articles, qui portent sur des sujets divers, comme l’assouplissement de l’épargne retraite, suppression de certains seuils fiscaux et sociaux, simplification de l’intéressement et de la participation.
Les principales mesures connues de ce projet de loi tentaculaire peuvent être résumées ainsi :
L’intéressement et la participation encouragés
Le « forfait social » de 20 % sera ainsi supprimé pour les entreprises de 0 à 250 salariés en ce qui concerne l’intéressement, et pour les entreprises de 0 à 50 salariés en ce qui concerne la participation. Grâce à ce levier le gouvernement veut doubler le nombre de salariés qui bénéficient d’un accord d’intéressement dans les TPE et PME d’ici 2022.
La création, la transmission et la liquidation d’entreprise facilitées
Là encore le projet tient à simplifier l’activité des entrepreneurs. Plusieurs mesures sont prévues en ce sens dans le projet de loi Pacte. D’ici janvier 2021, un guichet unique en ligne sera en outre créé afin d’accompagner toutes les entreprises dans leurs démarches administratives, notamment dans le cas d’une création d’entreprise. Il devrait permettre aux entrepreneurs d’éviter de se perdre entre les différents sites et interlocuteurs. La loi Pacte facilitera également la reprise d’une entreprise par les salariés.
Certains seuils sociaux et fiscaux supprimés
C’est la mesure la plus attendue par les entreprises : la simplification des « seuils » à partir desquels les entreprises se voient imposer des obligations fiscales et sociales. Elles doivent par exemple, à partir de 20 salariés, cotiser au Fonds national d’aide au logement, qui permet de soutenir la construction. Le projet de loi Pacte prévoit de supprimer cette limite et de n’appliquer la plupart des obligations qu’à partir de 50 salariés, sauf pour celles liées aux employés en situation de handicap. Cette mesure se traduirait par une économie de près de 500 millions d’euros pour les entreprises. De plus, les entreprises devront avoir dépassé les seuils de 10, 50 ou 250 salariés pendant cinq années consécutives avant de devoir respecter les obligations sociales et financières associées à ces seuils (aujourd’hui douze mois consécutifs ou non sur trois années).
Les obligations comptables allégées
Le texte prévoit de relever les seuils à partir desquels les sociétés doivent nommer un commissaire aux comptes pour faire certifier leur bilan. Actuellement, l’audit est obligatoire dès le premier euro pour les sociétés anonymes (SA) et à partir de 3,1 millions d’euros de chiffre d’affaires pour les sociétés à responsabilité limitée (SARL). Avec la loi Pacte, le gouvernement va relever ces seuils au niveau des règles européennes, soit huit millions d’euros de chiffre d’affaires et plus de 50 salariés.
Cette mesure permettra d’exempter les petites entreprises de cette obligation comptable jugée coûteuse (5 500 euros en moyenne pour les PME). Elle fera en revanche perdre 620 millions de chiffre d’affaires aux commissaires aux comptes, notent Les Echos.
On le voit, la loi PACTE est ambitieuse. Force est de constater qu’une volonté existe, notamment à destination des entreprises les plus petites… Dégager la liberté d’entreprendre de contraintes fastidieuses ou lourdes pour permettre plus de souplesses dans la vie des entreprises ne peut qu’être apprécié des chefs d’entreprise qui connaissent la chronophagie des démarches ou des justifications quand il en faut…
Reste que des intentions aux actes gouvernementaux, il y a un monde… Celui des réalités économiques, celui de la financiarisation des rapports économiques, celui d’une concurrence déloyale parfois légalisée… PACTE, certes… mais affirmer, de manière incantatoire, comme l’a fait le locataire de Bercy, que : « La loi Pacte va donner aux entreprises les moyens de croître et à notre économie, de prospérer » n’est-ce pas un peu risqué pour ne pas dire décalé ?
L’OTRE le pense même si elle ne peut qu’approuver les intentions du projet de loi : croissance et transformation des entreprises, oui ! Mais sans bradage d’un modèle social et dans le respect de règles identiques pour tous…
Philippe BONNEAU