Dans le courant de la semaine dernière, le secrétaire d’État aux Transports, annonçait que le gouvernement envisageait de relever la taxation du gazole d’un à deux centimes. Cette hausse, selon les dires du ministre, doit permettre de combler les caisses de l’AFIFT, l’Agence française de financement des infrastructures de transports.
En mission pour le compte d’un autre ministère (la question se pose), Alain VIDALIES a donc jeté ce ballon d’essai pour tester son accueil auprès des consommateurs. L’OTRE a immédiatement rejeté toute nouvelle augmentation de la fiscalité sur le gazole, rappelant le ministre à ses engagements et la situation précaire des entreprises !
Cependant, pourquoi une telle annonce dans une conjoncture peu favorable ? L’AFIFT a-t-elle vraiment besoin que son budget soit abondé ? Les déclarations du ministre faisaient suite à la parution d’un réquisitoire de la Cour des comptes contre l’agence. En effet les magistrats financiers reprochent notamment à l’AFIFT de ne pas parvenir à boucler son budget.

Mais, dans les faits, ils dénoncent surtout des autorisations données par l’AFIFT à des projets, alors qu’elle ne saurait pas comment elle les financera. Les autorisations de paiement excèdent de loin les crédits de paiement, essentiellement constitués de taxes (sur le gazole ou sur les concessions d’autoroutes) et des produits des amendes liés aux radars.
Au 31 décembre 2015, les comptes de l’AFITF sont largement dans le rouge. La différence entre les autorisations de paiement et les crédits se montait à 11,86 milliards d’euros, tandis que l’Agence comptabilisait 746 millions d’euros de dette auprès de SNCF Réseau.

Premier constat, le ministère des Finances avait certifié en 2014 au président de l’AFIFT, le député du Calvados Philippe DURON, que l’augmentation de quatre centimes de TICPE au 1er janvier 2015 serait affectée pour au moins deux ans au budget de l’AFFIT, renonçant ainsi à son sacrosaint principe de non affectation des recettes. Or, dès le 1er janvier 2016 Bercy revenait sur ses engagements en retirant les recettes de deux centimes à l’AFIFT. Manque à gagner ? Entre 800 millions et un milliard d’euros ! Une paille…

Un second élément lui aussi non négligeable : le remboursement de la clause de dédit à Écomouv. Alors que l’AFIFT est un établissement public, à l’époque de la suspension de l’écotaxe, Bercy, encore lui, avait demandé à l’agence d’effectuer ce remboursement non budgété ! Était-ce vraiment à un établissement public non signataire de la convention de délégation de service public d’essuyer les plâtres de cette incurie que fut la gestion de l’écotaxe ? On peut penser que non. À nouveau, l’incidence de cette décision unilatérale de Bercy n’est pas neutre : ce sont près de 800 millions d’euros de financements de projets auxquels l’AFIFT a dû renoncer !

En toute connaissance des choses, peut-on dès lors légitimement dénoncer la mauvaise gestion de l’AFIFT ? Ce n’est pas le choix fait par le Premier Ministre dans sa réponse à la Cour des comptes, il défend la légitimité de l’agence et sa pertinence pour les investissements sur les infrastructures.
En revanche, tout aussi légitimement, nous pouvons nous interroger sur la volonté des services de Bercy de voir notre pays maintenir un haut niveau d’offre de transport, il n’est qu’à voir l’état de plus que plus délabré de notre réseau routier, synonyme d’investissements à moyen terme pour le pays, et de continuer sa politique à très court terme n’ayant pour but le seul remboursement de la dette.
Si réquisitoire contre la gestion il doit y avoir, ce n’est certainement pas contre l’AFIFT, même si les options souhaitées par son président portent toujours à débat et feront l’objet de futurs éditos.

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