Il n’est pas d’usage de rapporter dans le contenu de cet hebdo des faits divers qui, s’ils suscitent un intérêt fugace, l’espace d’un instant, s’en retournent bien vite dans les oubliettes de l’information. Pourtant, ce qui s’est passé le 14 mars dernier dans la lutte que mène l’Office central de lutte contre le travail illégal (OCLTI) notamment dans l’activité du transport routier, est, à plus d’un titre (hélas !), riche d’enseignements.
C’est en effet un coup d’arrêt sévère qui a été donné à un réseau organisé de fraudes au détachement de conducteurs routiers. Le 14 mars, des opérations de police concomitantes menées en France, en Belgique, en Slovaquie et au Portugal, ont permis de démanteler un réseau d’entreprises de transport routier de marchandises belges et françaises dont le responsable est un dirigeant d’entreprise française et qui se livrait à des activités frauduleuses de détachement de conducteurs. Depuis plus de trois ans, ce réseau organisait le détachement de conducteurs routiers roumains, polonais, slovaques et portugais au préjudice de ceux-ci et des finances publiques française et belge.
Ce sont des contrôles menés au sein de l’entreprise française par les autorités administratives qui ont permis de mettre au jour les malversations et entraîné la saisine de l’OCLTI.
Le chef de l’OCLTI a indiqué que les transporteurs français et belges étaient systématiquement démarchés « pour les inciter à créer en Slovaquie des filiales qui sont en fait des coquilles vides » Agissant ainsi, avec une activité essentiellement dirigée à partir de la France par leurs sociétés mères qui les sous-traitaient faussement, ces filiales imposaient de facto aux transporteurs français vertueux une concurrence déloyale en raison des prix de transport à bas coût pratiqués.
Dans le prolongement, un système identique fonctionnait au Portugal par l’intermédiaire d’une entreprise administrée par l’épouse du dirigeant français incriminé. Outre le donneur d’ordre, on dénombre trois complices au total : son épouse, la représentante en France des sociétés slovaque et portugaise et une collaboratrice du dirigeant en Slovaquie. Les quatre protagonistes sont mis en examen du chef de complicité de travail dissimulé en bande organisée avec plusieurs entreprises françaises ou belges de transport routier de marchandises. Deux d’entre eux ont été placés en détention.
« Les perquisitions menées en Slovaquie et au Portugal vont nous permettre d’identifier les sociétés clientes en France et en Belgique », a précisé le chef de l’OCLTI. Une centaine de sociétés pourrait être impliquée dans ce réseau transnational…
On le sait, l’OTRE ne cesse pas, depuis des mois, de dénoncer ce fléau de la concurrence déloyale, véritable poison de l’activité économique et sociale des entreprises de transport routier. Elle a toujours milité et le fait encore dans le cadre des rencontres qu’elle a avec les équipes des candidats à la présidentielle pour des contrôles accrus et rigoureux. Les actions menées le 14 mars dernier dans un contexte de collaboration européenne de l’ensemble des services de répression des fraudes économiques, est une satisfaction pour notre organisation. Bien plus, c’est la preuve évidente qu’au moment où la Commission européenne veut réviser la directive « détachement », cette actualité démontre que l’urgence d’endiguer la fraude au détachement doit être réelle.
À l’heure où les débats de fond de l’élection présidentielle s’intensifient, ces sujets capitaux, pour ne pas écrire vitaux, de concurrence déloyale en général et en particulier des fraudes au détachement de travailleurs, doivent retenir l’attention des candidats.
À défaut, toute perspective de développement économique équilibré, tout progrès et toute défense de notre modèle social seront à passer par pertes et profits…
Et il ne faudra pas venir nous dire : « Nous ne savions pas ! »