Des paroles vaines et creuses ?

 

La diminution de deux centimes par litre du remboursement partiel de TICPE avait provoqué la colère de l’OTRE. Elle seule l’avait manifestée le 7 décembre dernier, dans la rue. Inutile ? Non.

Du moins le pensions nous…

En effet, à cette même période, début décembre, le gouvernement, par la plume du Secrétaire d’État chargé des Transports, dans un courrier adressé aux fédérations représentatives, s’engageait à ne pas augmenter la fiscalité des entreprises sur le carburant d’ici 2022. En outre, il s’engageait encore à mettre en place le remboursement accéléré de la TICPE en 2020, à proposer un gazole professionnel à la pompe dès 2021 et à signer un accord de transition énergétique de filière…

Le 19 décembre 2019, au Sénat, le Secrétaire d’État confirmait à l’oral, son propos écrit du début de mois : « S’agissant de la réduction de deux centimes d’euro du remboursement de TICPE, nous avons mis en œuvre un mécanisme de transparence visant à ce que les acteurs du transport routier de marchandises puissent répercuter à leurs clients ces deux centimes ; une forme de neutralité financière sera ainsi assurée. Afin qu’ils bénéficient d’une certaine stabilité fiscale, je leur ai proposé de créer une mission visant à poser le cadre d’un contrat de transition énergétique, avec une visibilité très claire sur les différents dispositifs de suramortissement et d’avantages fiscaux. »

Nos protestations n’avaient donc pas été vaines : pas d’augmentation de la fiscalité jusqu’à la fin du quinquennat…

Hélas, hélas, hélas… ! Les adages populaires sont tenaces : « Chassez le naturel… » il revient sous la forme du tropisme fiscal quand on quitte Roquelaure pour Bercy !

Le 13 février dernier, dans une note Trésor-éco du ministère de l’Économie et des Finances, surgit l’idée que les péages urbains permettront de « renforcer l’application du principe « pollueur payeur » dans les grands centres urbains ». Mais la note poursuit en précisant que la « hausse de la contribution des poids lourds » sur le réseau routier national est jugée « souhaitable ». Ni plus, ni moins, dans un de ces retournements voire d’acharnement des bastions de l’administration centrale dont notre pays a le secret, voilà que l’on revient sur des questions ou des options tranchées par la représentation nationale, celle qui, en démocratie, est investie d’un mandat du peuple pour fabriquer la loi. Car enfin, la loi mobilités comportait initialement un article sur le péage urbain : il a été retiré à la dernière minute faute de soutien de la part des collectivités territoriales. S’agissant de la contribution des poids lourds, elle a émaillé les débats autour de la loi mobilité et celui sur la loi de finances pour 2020, avant que le gouvernement opte finalement pour un déremboursement fiscal… avec des promesses de stabilité fiscale.

Le secrétaire général de l’OTRE, dès la publication de cette note de Bercy, a immédiatement saisi le DGTIM pour manifester son étonnement légitime mêlé d’inquiétude.

Étonnement parce que les recommandations de cette note sont, bien entendu, contraires aux engagements du Secrétaire d’État de ne pas porter et de ne pas soutenir de mesures d’augmentation de la fiscalité énergétique propre au secteur jusqu’en 2022.

Inquiétude quant au contenu et à la finalisation rapide de l’accord de transition énergétique pour lequel des négociations sont actuellement en cours.

Jean-Marc RIVÉRA l’a rappelé : « il y a urgence à conclure cet accord [de Transition Énergétique] et de s’inscrire dans sa signature dans les délais les plus brefs ».

Urgence. Incontestablement à contractualiser des engagements pris, des promesses faites et qui ne sauraient engager seulement ceux qui les croient, celles et ceux qui en ont besoin pour maintenir ou améliorer leur compétitivité.

Souvenez-vous, M. le Secrétaire d’État, c’était le 12 septembre 2019 devant un aéropage de professionnels du transport routier inquiets, vous disiez en conclusion de vos propos :
« (…) nous ferons la démonstration collective que ce ne sont pas des paroles vaines et creuses et que nous trouverons ensemble la voie de la convergence vers les dispositifs utiles aux Français et à votre filière (…) »

Puissions-nous ne pas avoir à supprimer, dans l’avenir, les négations de votre affirmation…

 

Philippe BONNEAU

 

 

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